Qu’ont en commun la radio post-confinement et le podcast en liberté ?
Malgré les effets négatifs du confinement sur des audiences privées de mobilité, la radio a su s’adapter en dévoilant la simplicité des moyens techniques d’un média sonore partagé avec le podcast.
La désacralisation du studio radio
Bien avant que les caméras ne s’installent dans les studios, « faire de la radio » se traduisait par l’image puissante de « l’antre-studio » ou du « bocal » : des personnalités confinées dans une pièce calfeutrée et insonorisée postillonnaient dans des micros, autour d’une table : “le plateau radio” d’un côté, “les gens à l’antenne”, et de l’autre, derrière une vitre, l’équipe de production : assistants et standardistes, réalisateurs et/ou techniciens y observaient de bizarres poissons rouges dotés de paroles, tout en orchestrant boutons et manettes – le balai sonore des émissions…
Avec les mesures imposées durant le confinement, et conservées, pour une grande part, plus question de tousser dans la bonnette du micro ou de se tasser dans le studio. Réduction d’équipe et télétravail sont de rigueur. Selon les moyens des radios, les collaborateurs, journalistes et chroniqueurs sont dorénavant équipés de matériel pour « télé-radio-travailler ».
Dans son chez-lui confiné, chacun cherche un coin de bureau avec la meilleure acoustique possible (NB : on a souvent tendance à se focaliser sur le choix du micro pour la qualité du son, mais le lieu où l’on parle est tout aussi stratégique : mieux vaut éviter l’appartement Haussmannien peu meublé avec une grande hauteur sous plafond. Le pire de tout : le parquet flottant qui résonne. On préfèrera la simplicité d’une petite alcôve ou d’une chambre meublée avec moquette et voilures aux larges fenêtres qui atténueront l’effet de résonance de pièce. Voilà pour la note technique.).
De fait, à l’antenne, une telle « mise en ondes » produit parfois une rupture de son et de ton, comme une erreur dans la matrice d’une grille habituellement bien huilée… Se passerait-il enfin quelque chose ? Comment sont vécus les petits décalages, micro-secondes d’attente entre une question et une réponse ? Et surtout, qui vit cela le mieux… et le plus mal ? Ceux qui parlent, ou ceux qui écoutent ?
Est-il toujours de bon ton d’avoir un bon son ?
Avoir un son correct sans coupures, micro-coupures et autre parasites sonores, n’est pas qu’une simple question de courtoisie. C’est la garantie d’une fluidité de l’écoute. Mais dans une situation d’urgence, vouloir reproduire le son et le flux habituels des rendez-vous d’antenne non confinés se révèle un effort relativement vain…
Le son change. D’une ligne à l’autre, d’un moment à l’autre. A chaque nouvelle séquence, chaque nouvel invité, le son est différent. Et l’empreinte sonore du téléphone s’impose à l’antenne au fil de la journée : l’insert téléphonique, le “phoner”, la liaison Skype, celle que l’on redoute de voir “tomber”, et qui serait synonyme de fragilité…
Mais que la radio montre ses faiblesses ! On y décèlera certainement des forces… Le son cracra, comme disait « le doc » : “ce n’est pas sale !”
La promesse de la radio l’emporte sur le son. Une présence sonore qui ne défaille pas. Du média chaud à destination d’un large public (mainstream) : la promesse d’informer, d’éduquer, de divertir… Et, aujourd’hui plus qu’hier, de générer des interactions d’idées, une diversité d’opinions et de représentations. C’est dans l’adn de la radio que de créer, animer, amplifier, et donc maintenir un lien social.
Moins de studio, plus de diversité ?
La radio, notamment nationale et généraliste, a la mauvaise habitude de conditionner son casting d’invités à ceux qui peuvent fouler la moquette de leur studio aux jours et horaires dictés par le direct, l’actualité et la grille. Parfois, sans souplesse, et surtout, sans politesse auprès des voix non disponibles. La présence devient obligatoire sous prétexte d’une meilleure communication, et d’une plus grande fluidité, d’un meilleur confort pour le présentateur qui a besoin d’une communication non verbale avec ses invités. Mais au contraire, ne serait-ce pas là une chance de développer une écoute plus fine, plus attentive et réactive, pour se mettre plus encore à la place de l’auditeur 🙂 ?
Disons que ce confort du studio n’est pas absolument nécessaire tous les jours de l’année. Maintenant qu’il a été démontré qu’on pouvait «zoom-skype-télé-radio-travailler » régulièrement avec des intervenants à l’autre bout de leurs liaisons et salons, rien n’empêche de garder cette pratique et de l’orienter vers une plus grande diversité des prises de parole.
De cette contrainte, les radios pourraient tirer bénéfice en renouvelant leur carnet d’adresses, leurs “bons clients” , souvent disponibles facilement, parce que parisiens, ou parce que passant par Paris… Des chercheurs, des sociologues et des experts, des politiques, des militants associatifs, des écrivains, des artistes, des regards différents et des voix singulières se trouvent partout sur le territoire, les territoires, en France métropolitaine, dans les DOM TOM, et bien au delà des frontières… Nul besoin qu’ils soient physiquement disponibles à Paris à 8h ou 18h.
Avec cette nouvelle « radio à distance », les radios généralistes pourraient réinventer leur approche éditoriale en faisant émerger des voix et des talents, des initiatives de territoire, du local à l’international, pour donner une autre perspective des antennes locales, nationales, internationales, web.
La parole est aux auditeurs
C’est le retour de l’interactivité et du répondeur ! Même si l’on ne reviendra pas aux mythiques séquences des auditeurs militants d’un Daniel Mermet éjecté de France Inter en 2014 pour mener « Là bas si j’y suis » dans un coin de l’Internet, on a pu remarquer un regain d’intérêt pour l’interactivité radiophonique selon le simple appareil téléphonique…
Au bout du répondeur, l’auditeur donne du répondant, du grain de voix, du grain de sel, du grain à moudre. Plus savoureux et sonore que le mail, le tweet (bientôt audio pour tout le monde), et le commentaire repris en citation, l’auditeur se fait entendre, que dire, écouter ! Il y met l’humeur, le ton, et le son. « L’auditeur répondant« revient en grâce en réaction et en proposition, en questions et en créations, avec tâtonnement, et parfois quelques aspérités.
De l’auditeur au créateur de podcast
Ainsi naquit le podcasteur, cet entrepreneur ou entrepreneuse d’une nouvelle forme de radio numérique, qui a longtemps écouté, et qui a trouvé une résonance, afin de porter une parole.
Les créateurs, et plus encore les créatrices de podcasts, se lancent souvent sur une envie, parfois un besoin d’incarner ou d’amener un sujet qui leur est cher. Souvent, un sujet de société, parfois, un sujet de niche. Ils ne sont jamais passés par la case “radio” et n’ont jamais fréquenté une radio associative ou une radio professionnelle. Au mieux, un tuto, ou une formation « tac tac tac » 🙂 .
Les nouveaux créateurs du podcast portés par l’esprit Do it yourself ne sacralisent pas le studio, ni la qualité du son. Avant tout, on tient au propos, et parfois un peu trop à la conversation, au détriment de l’éditorialisation et de l’empathie pour l’écoute. Pour qui développe un média, pour qui est le média, l’heure n’est plus à la posture du mass média : les blogs, YouTube et les réseaux sociaux sont passés par là, et les usages du podcast avancent.
Depuis quelques années, les podcast-modèles, voire les podcast-rôle-modèles ont émergé autour des thématiques de l’intime, du féminisme, de la l’entrepreneuriat ou de la pop-culture, produisant des vagues et des modes… Le mimétisme opère : le podcast de conversation s’installe, et les voix se libèrent.
Même bricolés, selon une forme parfois sacrifiée, ces contenus existent, et trouvent des auditeurs. Ils sont les héritiers d’une radio libre, des radios associatives et de la radio en général, car ils révèlent les sujets émergents et les tendances. Et les futurs auteurs.
Objets d’une émission de grille, leurs sujets s’incarnent dans un podcast dédié, une “verticale” thématique, portée par un podcasteur. Le flux versus le stock.
Le podcast, est-ce finalement de la radio de flux compactée, marquetée, et mise en catalogue ?
La thématique d’un podcast, ou les thématiques, délimitent-elles un ou des territoires à partager entre nouveaux créateurs, studios de podcast, et médias traditionnels ? Qui convoite le trône de fer ?